Du CE au CSE : une transition à préparer

Le passage du comité d’entreprise au comité social et économique, à opérer d’ici à fin 2019, sera bien plus qu’un changement d’appellation : la création d’une nouvelle entité. D’où l’importance d’anticiper, juridiquement et comptablement.

Les Ordonnances Macron remplacent le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT par une instance unique, le comité social et économique (CSE). Cette nouvelle instance devra être en place, pour toutes les entreprises concernées, au plus tard au 31 décembre 2019.

Il ne s’agit donc pas d’une simple passation de mandat comme elle se fait à chaque élection. Il est donc important de bien préparer cette transition. Sur le plan comptable notamment, elle peut s’avérer complexe, délicate et engager de lourdes responsabilités.

Le principe, c’est que lors du passage du CE au CSE, l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des CE sont transférés aux CSE. Il y aura donc deux arrêtés des comptes l’année du passage en CSE. L’équipe du CE doit établir le « dernier bilan » qui détermine ce qui est transféré au CSE.

Si le patrimoine du CE est réduit, l’opération peut être simple, surtout si l’on s’appuie sur un expert-comptable.

Dans le cas contraire, vous devrez anticiper sur les opérations à prévoir, comme par exemple :

  • transfert de propriété si le CE possède des hébergements de vacances,
  • estimation de la subvention ASC et AEP due au CE jusqu’à la date de passage en CSE (subvention au prorata temporis) ;
  • établissement d’un budget prévisionnel ASC et AEP en adéquation avec la subvention versée au CE au prorata temporis (nous ne sommes pas dans la construction d’un budget annuel sur 12 mois) ;
  • transfert des prêts salariés en cours ;
  • transfert des contrats de travail des salariés CE.

Une décision sur les excédents

Un autre point sera délicat lors du passage en CSE. Comme nous le détaillons ici, la nouvelle instance aura désormais la possibilité de transférer des excédents du budget des activités économiques et professionnelles (AEP) vers le budget des activités sociales et culturelles (ASC) et inversement.

Lors de sa première réunion, le comité social et économique doit décider, à la majorité de ses membres, soit d’accepter les affectations prévues par les instances mentionnées au premier alinéa lors de leur dernière réunion, soit de décider d’affectations différentes. Cette règle semble indiquer qu’à l’occasion du passage du CE au CSE… tout est autorisé : une pratique habituelle lors de dévolutions dans le cadre d’une réorganisation des instances.

Il conviendra tout de même de rester prudent : conserver une réserve financière sur les AEP peut permettre de financer des expertises non prévues, puisque celles-ci sont en partie à la charge du CSE.

On voit par là que la transition confère une responsabilité particulière, autant aux élus du CE qui achève son existence qu’à ceux du CSE qui prennent une décision ayant une portée considérable. Nous insistons donc : il est particulièrement important que le passage au CSE soit préparé avec beaucoup d’attention, y compris sur le plan comptable.

Pour l’heure, les premiers CE commencent à franchir le pas des élections et du passage en CSE. Il est certain que leur expérience sera riche d’enseignements, car un changement législatif d’une telle ampleur ne se fera pas sans quelques surprises, cas de figures imprévus et difficultés impossibles à anticiper. Nous ne manquerons pas de vous en parler sur ce blog… Une bonne raison pour nous suivre !

Ce qu'il faut retenir
  • L’année de la transition, il y aura deux arrêtés des comptes.
  • Le dernier bilan du CE doit déterminer ce qui doit être transféré au CSE, c’est à dire l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes.
  • Des décisions importantes seront à prendre concernant les éventuels transferts d’excédents d’un budget à l’autre.

Du CE au CSE : comment sont calculées les subventions

Que ce soit le CE ou le CSE, ils sont financés par des subventions annuelles versées par l’entreprise. Leur montant se calcule à partir de la masse salariale. Avec des changements…

La clef de voûte pour calculer le montant de vos budgets, c’est la masse salariale. La subvention de fonctionnement s’élève à 0,2 % ou 0,22 % de la masse salariale, selon que les effectifs comptent plus ou moins de deux mille salariés.

Quant à celle des ASC, le pourcentage de la masse salariale appliqué résulte soit d’une convention collective, soit d’un accord d’entreprise : il n’existe pas de minimum légal.

Ces deux financements sont versés chaque année par l’employeur.

Les Ordonnances Macron stipulent que pour la nouvelle entité CSE, la base de calcul des deux subventions est précisément la masse salariale brute soumise aux cotisations URSSAF. Il diffère ainsi du calcul pour les CE, qui s’appuyait sur la jurisprudence de la Cour de cassation du « compte 641 ». En effet la Cour de Cassation estimait (jusqu’à un revirement de jurisprudence de mars 2018 que la masse salariale de référence était celle figurant dans les comptes 641, incluant notamment des primes de rupture de contrat et de fin de contrat.

Que contient la masse salariale URSSAF ?

  • Le salaire de base,
  • Les heures supplémentaires,
  • Les commissions et primes,
  • Les avantages en nature.

À l’inverse, les indemnités liées à la fin du contrat sont exclues : indemnités de licenciement, de départ en retraite, de rupture conventionnelle ou transactionnelle. L’intéressement est également exclu.

Cette modification va avoir des conséquences sur les budgets du CSE. Nombreux sont ceux qui estiment que cela va entraîner une diminution des ressources du CSE par rapport à celles du CE. L’absence des indemnités de fin de CDI aura un impact mécanique sur les montants alloués.

 

Pour le CSE comme pour le CE, tout redressement URSSAF donne lieu, en principe à un complément de subvention. Il y a réajustement de l’assiette (masse salariale URSSAF) ; ce réajustement devra alors être répercuté sur les subventions du CSE.

Cependant l’effet retour pour le CE ou le CSE prend du temps et il est parfois oublié par les directions. C’est pourquoi les élus doivent être vigilants lors des contrôles URSSAF

 

Ce qu'il faut retenir

Les budgets du CSE, comme ceux du CE, s’élèvent à

  • 0,2 % ou 0,22 % de la masse salariale pour les AEP (selon que l’entreprise a + ou – de 2 000 salariés
  • Un pourcentage de la masse salariale défini par accord ou par convention collective pour les ASC.

Ils sont désormais calculés à partir de la masse salariale URSSAF.

Ils excluent toutes les indemnités de départ et tout intéressement.

Un redressement URSSAF donne lieu à un complément de subventions.

ASC et AEP : deux budgets pour une même structure

Depuis les lois Auroux de 1982, les comités d’entreprise fonctionnent avec deux budgets bien distincts, l’un pour les activités sociales et culturelles, l’autre pour le fonctionnement et les attributions économiques et professionnelles. Les ordonnances Macron ne modifient pas ce principe pour les CSE.

 

C’est précisément à la Loi du 28 octobre 1982 – incluse dans les Lois Auroux – que remonte l’existence de deux budgets séparés pour les CE. Cette loi créait le budget de fonctionnement et lui attribuait une subvention spécifique, comme le précise une lettre ministérielle du 15 janvier 1986 : « Cette subvention doit permettre le fonctionnement du comité d’entreprise dans ses attributions économiques et professionnelles ». Plus concrètement, cette mesure a permis de renforcer l’autonomie du Comité d’entreprise, en lui donnant des moyens pour fonctionner.

Parallèlement, les Lois Auroux modifiaient l’appellation de l’autre budget du comité d’entreprise, déjà existant : les « œuvres sociales » – expression jugée paternaliste – devenaient les « activités sociales et culturelles ». Le modèle qui perdure aujourd’hui était mis en place.

 

Ce qui reste et ce qui évolue

 

Ces budgets sont financés par une subvention de l’employeur. Nous détaillons son mode de calcul ici. Le modèle des budgets séparés implique la dualité des attributions. Que recouvre cette distinction ?

Avec le budget Fonctionnement et attributions  économiques et professionnelles (Fct-AEP), il s’agit de financer tout ce qui est lié aux attributions économiques et au fonctionnement général, c’est-à-dire ce qui relève de l’activité des élus du CE.

Le budget Activités sociales et culturelles (ASC) va quant à lui être utilisé pour toutes les activités dirigées vers les salariés et leur famille

Qui dit dualité des attributions dit aussi, en conséquence, dualité des résultats et dualité des éventuels excédents. Jusqu’à présent, la cloison entre les deux était étanche : les excédents d’un budget de fonctionnement ne pouvaient pas être utilisés pour abonder le budget des activités sociales et culturelles, ni l’inverse. C’est un des points qui change avec les ordonnances Macron.

 

Les ASC en détail

 

Les lois Auroux ne donnaient pas de définition des ASC ; les Ordonnances Macron ne sont pas plus précises (L. 2312-78). Celles-ci reprennent (R. 2323-20) la liste non exhaustive des ASC qui existait déjà dans la loi précédente. La référence reste donc un arrêt de la Cour de Cassation du 13 novembre 1975 (Cass. Soc., 13 nov. 1975, n°73-14.848) qui définit les ASC selon quatre critères :

  • Activité non obligatoire légalement ;
  • Exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise ;
  • Exercée sans discrimination ;
  • En vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie.

 

Le budget de fonctionnement

 

L’article L. 2315-61 de l’ordonnance n°1386 reprend les mêmes termes que l’article L. 2325-43 du Code du Travail. Que ce soit dans le Code du Travail ou dans la nouvelle ordonnance, il n’existe pas de liste de dépenses « AEP ». Le principe est d’y rattacher les dépenses liées aux attributions du CSE.

Ces dépenses peuvent être de catégories variées :

  • Frais courants de fonctionnement, tels que les fournitures de bureau, les frais de téléphone et internet, affranchissements, bulletins d’information, l’édition et la diffusion des PV de réunions ;
  • Charges de personnel des salariés du CSE affectés au fonctionnement administratif et aux AEP ;
  • Prestataires du CSE  (pour la rédaction des PV, la comptabilité, l’informatique, etc.) ;
  • Dépenses « mixtes » à répartir entre les deux budgets (par exemple la communication, qui peut porter aussi bien sur les AEP que les ASC) ;
  • Experts sollicités par le CSE ou une de ses commissions (juriste, économiste, expert-comptable…) ;
  • Missions permanentes ou ponctuelles ;
  • Documentation technique ou juridique (mais attention à ne pas confondre CSE et syndicat, comme le stipule une jurisprudence de la Cour de Cassation (cass. Soc., 27 mars 2012, n°11-10.825) ;
  • Formations des élus titulaires du CSE, à commencer par le stage de 5 jours prévu pour les titulaires en début de mandat.
Ce qu'il faut retenir

Le CSE, comme le CE auparavant, dispose de deux budgets distincts :

  • Budget Fct-AEP pour ce qui relève des activités des Élus ;
  • Budget ASC pour ce qui bénéficie directement aux salariés.

Les Ordonnances Macron ne changent quasiment rien à ce principe de dualité, si ce n’est qu’elles donnent la possibilité de transférer des excédents d’un budget. Nous en parlons plus en détail ici.